La justice organisationnelle : chaînon manquant du management
Affirmation forte de notre ami et partenaire Jean-François Bertholet dans son ouvrage : le sentiment d’injustice en entreprise ou anticiper pour assurer la performance. Chaînon manquant ou maillon faible ? Force est de constater l’absence de ce concept – en tant que tel – dans la législation belge sur le bien-être au travail.
Rappelons que depuis 2014, les entreprises – quelle que soit leur taille – sont tenues de prendre les mesures nécessaires de prévention des risques psychosociaux. Ladite démarche est présentée comme un enjeu majeur de la préservation de la santé des travailleurs avec comme corollaire pour l’employeur : une réduction des coûts liés à cette problématique tant en termes de souffrance humaine qu’en termes de performances économiques.
Le thème du sentiment d’injustice au travail trouve son origine dans de nombreuses disciplines : philosophie, sociologie, biologie, psychologie, anthropologie et neurosciences.
Le besoin de justice est profondément ancré dans l’être humain et ce depuis sa plus tendre enfance (17 mois selon les chercheurs). Lorsqu’il ressent un sentiment d’injustice, l’humain est prêt à se battre, à prendre des risques, à saboter, voire même à soutenir contre ses propres intérêts une personne considérée comme juste. A l’inverse, le sentiment d’injustice peut affecter sa santé (découragement, dépression, burnout…) et/ou ses performances au travail (retards, passivité, dysfonctionnements, rétention d’informations…)
Générer un sentiment de justice est donc au cœur du succès d’une entreprise, car en effet, la justice est l’élément central de la cohésion d’une communauté et l’instrument principal de sa survie à long terme, en d’autres mots la fonction essentielle de la justice se définit par : régulation du groupe et création de valeur.
Mais comment être juste ? Car le sentiment d’injustice n’est pas du domaine du rationnel, il se vit et engendre des réactions de révolte ou de colère – réactions tout à fait contreproductives et de plus, mauvaises pour la santé, la motivation et la performance.
Par ailleurs, ce qui est considéré comme juste par une personne peut être perçu différemment par une autre. Est-ce donc une quête impossible ?
Toute décision peut engendrer un sentiment de justice ou d’injustice. En être conscient et passer l’organisation en général au crible de la justice, de manière préventive plutôt que réactive, s’avère particulièrement efficace. Ce n’est pas une technique ou une stratégie de management, c’est une approche génératrice de valeurs qui transcendent l’ensemble des décisions que nous prenons.
Le modèle de justice en entreprise développé par les chercheurs au cours des dernières décennies comporte 3 dimensions et adopte la figure d’un triangle. Ce sont ces dimensions qui doivent être passées au peigne fin afin de générer un sentiment de justice durable.
En quelques lignes, tentons d’expliciter ces trois dimensions :
Ø La justice distributive : concerne la décision d’allouer des ressources, des primes, ou à l’inverse des sanctions.
- La clé de la justice distributive est : l’équité plutôt que l’égalité : ma contribution (ce que je donne) doit être en lien avec ma rétribution (ce que je reçois), sinon je conçois un sentiment d’injustice.
- Les règles ou écueils dont la justice distributive doit tenir compte :
-La privation relative ou principe de comparaison sociale : le ratio contribution/rétribution sera considéré comme équitable après comparaison avec les autres membres du groupe dans l’instant comme dans le temps.
-L’égolité ou biais égocentrique : l’individu a toujours tendance à surestimer sa contribution par rapport à celle des autres.
-L’exposition : les individus ressentent une injustice en fonction de leur exposition ou le principe de : ce que l’on ne sait pas ne fait pas mal.
ØLa justice procédurale : concerne le processus menant à la décision. Par exemple : les critères d’évaluation sont-ils les mêmes pour tout le monde et connus d’avance ? Le processus de promotion est-il exempt de biais ou de favoritisme ? Le choix d’un candidat a-t-il été influencé par des critères non objectifs ? En résumé, c’est donner aux individus le sentiment qu’ils peuvent participer aux décisions qui les concernent.
- La clé de la justice procédurale est : la légitimité : la manière dont les décisions sont prises est aussi importante, sinon plus, que les décisions elles-mêmes.
- Les règles à respecter en matière de justice procédurale :
-L’impartialité : les règles décisionnelles doivent être claires, transparentes, appliquées à tous, à travers le temps, de façon cohérente. Elles sont dénuées de biais et de préjugés ou de jeux politiques.
-La voix : lorsque l’individu a eu l’opportunité d’exprimer son point de vue, la procédure sera considérée comme plus juste, même si la décision finale est négative.
-Le choix : c’est en quelque sorte l’autonomie, le sentiment d’avoir un certain niveau de contrôle sur la décision, voire d’avoir pris soi-même la décision.
Ø La justice relationnelle : concerne la qualité du traitement reçu lors du processus. Par exemple lors d’un licenciement, la manière dont sera traité le collaborateur dont on se sépare aura des répercussions non seulement sur le sentiment de justice ou d’injustice perçu par lui mais aussi par ses collègues qui conservent leur emploi. On vise ici : les explications qu’on lui fournit, la sincérité, l’honnêteté, l’empathie qui lui sera témoignée tout autant que les mesures de soutien mises en place.
- La clé de la justice relationnelle est : la considération : l’intention perçue derrière une décision et la considération démontrée importent autant que le processus ayant mené à la décision, voire la décision elle-même.
- Les règles à respecter en matière de justice relationnelle :
-La justification : les décideurs prennent la peine d’expliquer, de justifier leurs décisions, voire parfois même de faire amende honorable si nécessaire.
-La civilité : le sentiment d’être traité avec respect et dignité lors de la prise d’une décision qui affecte ma vie et mon travail.
-L’intention : la perception de la qualité des intentions des décideurs. En d’autres termes, comprendre l’intention derrière la décision est plus important que la décision elle-même ou pourquoi vaut plus que quoi.
Notons également que les trois dimensions de la justice organisationnelle peuvent se compléter et s’enrichir mutuellement, c’est le principe de complémentarité et de substitution.
Ainsi des procédures justes peuvent compenser des niveaux plus faibles de justice distributive ou relationnelle. Ou une justice relationnelle exceptionnelle peut pallier une faiblesse de justice procédurale ou distributive. Ou encore une justice distributive élevée rendra moins pertinente l’analyse des autres types de justice.
Par exemple, si je n’ai pas obtenu la promotion que j’attendais, mais que je dois admettre que les procédures étaient impartiales et qu’on m’a témoigné beaucoup d’empathie face à ma déception, je serai déçu mais n’aurai pas de sentiment d’injustice.
L’objectif de ces quelques lignes n’est pas de livrer une analyse exhaustive de la justice organisationnelle en entreprise. Pour cela, nous vous renvoyons au livre de Jean-François Bertholet évoqué ci-avant ou à la littérature scientifique sur le sujet.
Par contre, si la lecture de cet article :
- a allumé en vous le petit clignotant qui signale une zone d’attention ;
- vous a convaincu que le sentiment d’injustice peut avoir des conséquences préjudiciables tant pour l’entreprise que pour les travailleurs et que cela peut aller en s’aggravant ;
- vous a fait ressentir que ce sentiment d’injustice est au cœur même des risques psychosociaux dont la prévention est requise par le législateur belge ;
Et si vous souhaitez passer à l’action sans trop savoir par où commencer, nous pouvons vous proposer un outil de diagnostic exclusif : l’enquête ALGORITHME.
Après des années de recherches académiques, cet outil a été mis au point par FORMALIA, en collaboration avec Jean-François Bertholet de HEC Montréal et ses collaborateurs scientifiques. Il prend en compte les dernières connaissances scientifiques ainsi que les exigences de la législation belge.
La justice organisationnelle ne « s’implante » pas comme un logiciel ou un projet. Le diagnostic – ALGORITHME – est plutôt une manière de passer en revue, comme au travers d’une lorgnette, tous les aspects du management, en sachant que toute décision peut être porteuse d’un sentiment de justice ou d’injustice.
En pratique, ALGORITHME, c’est quoi ? C’est une approche intégrée et durable, l’ « abc » d’une démarche de diagnostic réussie.
Tout d’abord une enquête anonyme, réalisée en ligne et qui s’adresse à tous les collaborateurs de l’entreprise.
Ensuite un diagnostic qui évalue :
- la présence de risques psychosociaux dans l’organisation ;
- le sentiment d’injustice dans les équipes ;
- la qualité du leadership ;
- l’attachement du personnel à l’entreprise et l’adhésion à ses valeurs.
Enfin, un plan d’actions concret qui responsabilise les différents acteurs au sein de l’entreprise et permet d’agir sur les vrais leviers, aux bons endroits, de manière ciblée.
Vous êtes intéressé ou vous voulez en savoir plus, contactez-nous…